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FANFAIRE celebrates VIVICA GENAUX
BLAZING FIREPOWER + VOCAL VELVET + LUSCIOUS TIMBRE = SUPERMEZZO

AVEC MUSICALCRITICISM. COM

La mezzo-soprano Vivica Genaux à propos de ses débuts aux BBC proms:


“La musique a toujours constitué une immense part de ma vie”

par Dominic Mc Hugh / traduction et notes par Laurent Tourres
July 30, 2009/span>

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Photo © Harry Heliotis

Il y a déjà maintenant une quinzaine de jours que les BBC proms ont commencé mais l’enthousiasme ne se dément pas. La semaine prochaine, le BBC Philarmonic se produit dans deux programmes très différents dont le second comporte un concert de musique à thème italien en hommage au chef principal de l’orchestre, Gianandrea Noseda.

Le morceau central de ce concert sera la présentation de deux airs par la mezzo-soprano américaine1 Vivica Genaux qui enthousiasme le public dans le monde entier par ses représentations en baroque et bel canto. Elle chantera deux airs de Rossini : l’émouvant rondo-finale d’Angelina de La Cenerentola et le « Mura felici » de La donna del lago. Le début de Genaux aux Proms est un événement important pour la mezzo, que j’ai saisie au vol en prévision de son apparition pour l’interroger sur sa préparations pour le concert et aussi sur ses enregistrements de Vivaldi à venir.

1La première fois où je l’ai rencontrée, à la sortie d’une représentation de L’italienne à Alger de Rossini à l’opéra Garnier, j’avais commencé à lui parler anglais mais, à ma grande surprise, elle m’a tout de suite proposé avec son plus charmant sourire de continuer en français, et dans un français impeccable ! Je lui ai donc posé la question qui me tenaillait à propos de son nom à consonnance très française (mes parents avaient des amis qui s’appelaient Fenaux) et elle m’a répondu : c’est parce que je suis belge ! Ce qui ne l’a pas empêchée de passer son enfance à Fairbanks Alaska où son père devait travailler dans les pétroles en Alaska si bien qu’elle y a passé son enfance.

Pour commencer, Genaux s’explique sur ce défi : venir en scène pour chanter uniquement deux airs de démonstration et pas un programme varié plus long : « C’était assez difficile pour moi qui étais plutôt habituée à chanter des opéras entiers. L’énergie et la concentration que l’on utilise pour un concert sont assez différentes et j’ai pris l’habitude de regarder pas mal de sport à la télévision pour voir comment les athlètes se préparent pour différentes compétitions. Dans un certain nombre de manifestations sportives comme le patinage artistique, le ski et la course il y a des athlètes qui se préparent pour des épreuves longues ou pour des épreuves plus courtes plus intenses au plan technique.

« Chanter un opéra demande une stratégie de marathon où vous travaillez avec une concentration prolongée et de l’endurance, de courtes bouffées de sprint et des moments où vous êtes toujours en action mais en économisant l’énergie pour le prochain sprint. Donner un concert ressemble plus à un super G où vous travaillez avec autant de précision technique que possible pour bien passer la porte. Ayant ajouté beaucoup de concerts à mon emploi du temps dans les toutes dernières années, je suis beaucoup plus à l’aise dans ce genre d’exercice et ça me plaît vraiment.»

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Photo © Harry Heliotis

Rossini est l’un des trois grands domaines de son répertoire, avec les époques classique et baroque. Quelle différence fait-elle entre ce genre de musique et le répertoire plus ancien qu’elle donne régulièrement ? « Je n’ai pas vraiment un répertoire classique très étendu » affirme-t-elle, « bien que je l’enrichisse cette saison. Rossini et le baroque tendent à devenir mes centres d’intérêt et je trouve qu’ils se complètent très bien. Les rôles que je chante dans le baroque sont typiquement ceux écrits pour les castrats et le plus souvent je joue le rôle du jeune premier. C’est en général ce même genre de rôles que je retrouve dans les opéras de Rossini car il a composé beaucoup, beaucoup de rôles de jeunes héros pour la voix de mezzo-soprano. La tessiture est très comparable à ce que je chanterais dans le baroque avec une étendue de deux octaves et demi et un beaucoup de flexibilité dans l’ornementation et l’interprétation si bien que quand vous avez travaillé un rôle, vous avez l’impression été écrit spécialement pour vous. Vraiment de la musique « haute couture » !

Mettre en valeur une technique à toute épreuve est clairement le but de « Non piu mesta» 2mais pense-t-elle qu’il y ait aussi un aspect dramatique à faire ressortir dans cet air ? « Oh, pour moi, à coup sûr, il y a un aspect dramatique très fort dans cet air » dit-elle. « J’ai tellement appris du caractère d’Angelina, de sa ténacité, de son altruisme. Il y a tant d’antagonisme dans notre société actuelle ; des gens plus enclins à critiquer et à attaquer les autres qu’à regarder leurs propres défauts. Je trouve qu’Angelina est un grand refuge contre ça. Cet air est pour moi une confirmation de l’existence du karma, le sentiment merveilleux que si vous donnez réellement votre mieux chaque jour, si vous restez fidèle à vous même et regardez les autres avec indulgence, vous trouverez la joie. »

« Mura felici » est plus grave et introverti : est-ce qu’elle change quelque chose dans sa façon de chanter ou la couleur de sa voix quand elle chante cet air au lieu de « non piu mesta » ? « Alors que « Nacqui all’affanno » 3 représente l’aboutissement joyeux de tout l’opéra pour Angelina, dans « Mura felici » Malcolm commence juste son voyage » dit Genaux. « C’est beaucoup plus introspectif et plein de désir et je pense vraiment que la couleur de la voix le reflète. Je ne pense pas que c’est quelque chose que l’on fait consciemment ; ça vient du texte lui-même et en étant bien dans le rôle ».

«Genaux se réjouit de travailler avec Gianandrea Noseda. « Ce sera ma première apparition avec le maestro Noseda et je suis très émue de travailler avec lui. Je l’ai rencontré pour la première fois à Pittsburgh où il conduit souvent le Pittsburgh Symphony. Il m’a invitée pour la Cenerentola de Rossini au festival de Stresa en Italie cette année ainsi que pour ce concert des Proms. Les représentations que je lui ai vu diriger m’ont montré qu’il a une compréhension et une attention aux voix remarquables et je me réjouis vraiment de cette collaboration. »
2L’air final d’Angelina dans La Cenerentola

3autre dénomination de ce même air

«Le Proms est un des plus grands festivals au monde et le Royal Albert Hall une énorme salle : est-ce que la dimension de ce concert est intimidante ? « En général, je ne fais pas trop attention à la taille de la salle où je travaille parce que je ne veux pas que ça puisse influer sur mon approche de la représentation. Habituellement, je préfère de beaucoup de plus petites salles parce que je me sens plus en liaison avec le public. Cependant, j’ai vu beaucoup de concerts des Proms à la télévision et le public semble avoir une énergie spéciale que je suis impatiente d’expérimenter.»

«L’amour de la musique n’a pas quitté Genaux depuis sa naissance. «La musique, la danse et les arts ont constitué une partie de ma vie autant que je puisse me souvenir » dit-elle. « Mon père avait une énorme collection de disques qu’il écoutait constamment. Vivant dans une petite cabane en bois,4 quand il écoutait Bruckner, Mahler, Beethoven, Mozart, nous en profitions tous ! Ce fut pour moi une formidable éducation, même si je n’ai découvert les noms et les compositeurs de ces œuvres familières que de nombreuses années plus tard quand j’étudiais la musique à l’université de l’Indiana. J’ai fait du violon pendant neuf ans, j’ai fait de la danse classique, moderne et jazz, chanté dans toutes sortes d’ensembles vocaux et je suis tombée follement amoureuse d’ABBA quand j’avais 12 ans - la musique a toujours été une immense partie de ma vie ».

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Vivica in "Il trionfo del Tempo e del Disinganno" Photo © Javier del Real

« Pourquoi a-t-elle décidé de poursuivre une carrière dans l’opéra ? « D’abord, je suis allée à l’université pour faire un diplôme de sciences mais sans la musique comme premier centre d’intérêt de ma vie, c’était le cafard total. Alors qu’au lycée j’avais pu maintenir un équilibre entre des activités scolaires exigeantes et une vie musicale extérieure bien remplie, ce n’était plus possible à l’université. C’était comme si une part essentielle de ma personnalité était refoulée et, finalement, j’ai décidé que, tant qu’à être cette paumée, ce pouvait être aussi bien être comme artiste crève la faim que comme rat de laboratoire ! J’ai pris la décision de changer pour l’université d’Indiana et je me suis donnée à moi-même un délai de 5 ans à l’issue duquel je ferais le point pour voir si mes progrès étaient suffisants pour mériter de continuer la formation. Durant cette période de cinq ans, j’ai remporté plusieurs grands concours lyriques, fait mes débuts dans différents opéras comme le Semperoper de Dresde et le Teatro philarmonico de Vérone ; je décidai que c’était plutôt bon signe pour entreprendre une carrière professionnelle, alors j’ai continué et j’ai progressé depuis.»

« A-t-elle trouvé dans sa formation professionnelle très exigeante ? « Je pense que j’ai voulu la rendre aussi exigeante que possible. J’ai toujours eu une belle voix mais je dirais que ma technique est « apprise » plus que « naturelle » et ça peut être une voie très difficile à trouver. Enseigner/apprendre la technique vocale peut être très délicat car les notions de respiration correcte, de formation des voyelles etc. sont relativement abstraites. Ayant une formation scientifique, j’avais été programmée pour la pensée analytique et cela m’a demandé longtemps pour m’accomoder de cette nouvelle façon d’apprendre. Même les études de violon et de danse que j’avais faites étaient plus concrètes en ce sens qu’un professeur peut corriger physiquement la position de votre bras ou de vos doigts ou votre attitude. Chanter était complètement différent et ça a été terriblement frustrant pendant un moment. Heureusement pour moi, je suis très obstinée si bien qu’au delà des larmes et des doutes et des inquiétudes j’ai persévéré. ».

« Est-ce que ça lui a été facile de démarrer sa carrière dans l’opéra ? « Ma carrière a décollé assez vite si bien que l’on peut dire que ça a été assez facile. Mais, d’autre part, je n’avais pas d’expérience de la scène et j’ai commencé à travailler dans des théâtres importants dès le début si bien que c’était une grosse responsabilité. J’ai pris assez au sérieux ce sentiment de responsabilité et j’ai travaillé deux fois plus pour compenser mon manque d’expérience. De ce point ce vue, mon début de carrière a été plutôt dur. »

Genaux rappelle plusieurs points marquants de sa carrière jusqu’à maintenant : « Je me rappellerai toujours mon premier opéra baroque avec des instruments anciens, Solimano de Hasse au Staatsoper de Berlin5 sous la direction de René Jacobs.6 Je n’avais pas eu beaucoup d’expérience de la musique baroque avant et la sonorité du Concerto Köln jouant cette musique stupéfiante fut un virage dans ma vie. C’était tellement fascinant de réaliser que tout ce monde de la musique baroque m’était ouvert. Je suis aussi très très fière d’un disque d’airs de Vivaldi avec Fabio Biondi et Europa Galante qui va sortir cet automne. C’est mon premier enregistrement d’airs de Vivaldi et je suis tellement emballée à la perspective de cette saison à venir qui comprend la sortie de ce CD ainsi que plusieurs concerts avec Maestro Biondi et Europa galante. »

« 5Le Staatsoper (Opéra d’état) est le théâtre historique fondé par Frédéric II qui se trouve sur Unter den Linden. Comme il se trouvait à Berlin-Est, Berlin-Ouest avait créé son propre opéra le Deutsche Oper (Opéra allemand). Chacun avait des équipes de chanteurs de tout premier plan, ceux de Berlin-Ouest étant néanmoins plus connus chez nous.

« 6Avant de diriger son Concerto Köln, René Jakobs avait été mondialement connu comme haute-contre.

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As Rosina in Paris (Photo © Eric Mahoudeau)

« Un autre de ses enregistrements à venir est celui du peu connu Ercole de Vivaldi : s’étant produite dans plusieurs de ses opéras maintenant, pourquoi pense-t-elle que ça vaille le coup de ressusciter tous ces opéras complètement inconnus de Vivaldi ? « Je pense que ressusciter les opéras de Vivaldi en vaut la peine pour plusieurs raisons. D’une part, ce sont des « pastiches » qui incorporent des morceaux d’autres compositeurs contemporains de Vivaldi. Ensuite, par substitution, un public familier de la musique de Vivaldi qui est prêt à payer le billet ou le CD parce qu’il aime Vivaldi se trouve entendre un peu d’autres compositeurs baroques. S’ils découvrent que l’air qu’ils ont tellement aimé dans Bajazet de Vivaldi est en réalité de Hasse, ils pourraient bien acheter un billet ou un CD d’un opéra de Hasse la prochaine fois ! Un autre intérêt d’enregistrer l’œuvre complète d’un compositeur est que quelqu’un qui ne lit pas la musique peut écouter une série d’ouvrages représentatifs de la vie d’un compositeur et sentir effectivement l’évolution de son style au long de sa carrière. »

« Un autre de ses projets personnels est de faire revivre la musique de Hasse. « J’ai eu la chance de chanter mon premier Hasse avec René Jacobs ; la musique de Hasse associée à l’ornementation de Maestro Jacobs était fantastique » explique-t-elle. « J’aime donner des concerts qui comprennent des airs de Vivaldi et de Hasse, ces deux compositeurs ayant un tel fond commun mais des styles si différents. Hasse, pour moi, a complètement adopté le style de chant italianisant et est jouissif à chanter. Le fait qu’il ait été lui-même chanteur, marié à Faustina Bordoni, l’une des plus grandes cantatrices internationales de l’époque, lui a donné une approche particulière de la voix. Sa musique est très exigeante mais en même temps j’ai l’impression qu’elle va à ma voix comme un gant. »

« Sachant qu’elle a chanté maintenant plus de quarante rôles, je demande à Genaux lesquels elle projette d’ajouter à son répertoire. « Sans aucun doute il y aura plus de Haendel et de Rossini dans l’avenir et j’espère aussi plus de Hasse, Leo, Porpora, Vinci, peut-être Mozart et Piccini » dit-elle. « Je voudrai aussi explorer un peu plus le répertoire de récital et de concert ; j’aime donner des récitals et je suis très enthousiasmée par les compositions de Pauline Viardot. Je voudrais aussi ajouter quelques Hahn, Berlioz et peut-être un peu d’Offenbach. »

« Pour finir, je demande à Genaux ses projets pour la saison à venir - un riche mélange bien caractéristique. « J’ai mon premier Tancredi au Theater an der Wien sous la baguette de Maestro Jacobs ainsi que mon premier Ernesto du Mondo della luna de Haydn, également au Theater an der Wien. J’aime Vienne et adore le Theater an der Wien, à la fois pour l’histoire de la maison7 et pour les gens extraordinaires qui y travaillent et je suis donc très heureuse à la perspective de passer quatre mois dans cette compagnie ! J’ai aussi des concerts très enthousiasmants la saison prochaine, avec des concerts du CD d’airs de Vivaldi avec Fabio Biondi et Europa galante à Paris, Cracovie, Turin, Bologne et Naples ainsi qu’un concert (à nouveau avec Fabio Biondi et Europa galante) de l’opéra Pirame et Tisbé de Hasse à Salzbourg. Je vais aussi retourner au théâtre des Champs-Elysées pour des représentations de Semele de Haendel avec Christophe Rousset et Les Talents lyriques. »

« 7C’est dans ce théâtre « sur la Vienne », rivière qui traverse la ville homonyme, que furent créés, entre autres, La flûte enchantée de Mozart, Fidelio et plusieurs symphonies et concertos de Beethoven, La chauve-souris de Johann Strauss. http://www.theater-wien.at

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